L’assèchement des lacs salés – une source sous-estimée du changement climatique.
TORONTO, 25 juillet 2024 – Selon les données d’un projet de recherche mené par le Musée royal de l’Ontario (ROM), le lit asséché du Grand Lac Salé (Utah) aurait libéré 4,1 millions de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère en 2020. Les lits asséchés des lacs et rivières seraient donc une source négligée mais potentiellement importante d’émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi au changement climatique. Les résultats ont été publiés dans One Earth.
« L’assèchement du Grand Lac Salé attribuable à l’activité humaine expose de grandes zones du lit du lac et libère d’énormes quantités d’émissions de gaz à effet de serre, déclare Soren Brothers, conservateur Allan et Helaine Shiff du changement climatique au ROM et directeur du projet de recherche. Le rôle joué par l’assèchement des lacs dans le changement climatique doit faire l’objet d’une étude approfondie et faire partie intégrante d’une gestion efficace des bassins versants et de l’atténuation du réchauffement climatique. »ss
Le niveau d’eau du Grand Lac Salé varie d’une année à l’autre selon le débit d’eau qui descend des montagnes à la fonte des neiges – des niveaux les plus hauts dans les années 1980 au niveau le plus bas en 2022. Cela dit, c’est l’eau détournée pour l’agriculture, l’industrie et les villes qui, au fil des ans, a desséché le lac. Ailleurs dans le monde, la surexploitation de l’eau par l’humanité a d’importantes répercussions sur le niveau d’eau des lacs. L’assèchement des lacs salés emblématiques comme la mer d’Aral, le lac Urmia, la mer Caspienne et le Grand Lac Salé non seulement détruit des habitats indispensables et crée des conditions de la qualité de l’air qui nuisent à la santé des humains, mais il accélère le changement climatique, les sédiments exposés émettant du dioxyde de carbone et du méthane.
L’équipe du projet de recherche a mesuré les émissions de dioxyde de carbone et de méthane provenant des sédiments exposés du Grand Lac Salé d’avril à novembre 2020, puis elle les a comparées aux évaluations d’émissions provenant du milieu aquatique afin de déterminer l’effet de serre anthropique associé à l’assèchement. Les calculs basés sur cet échantillon démontrent que le lit du lac a émis 4,1 millions de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, principalement sous forme de dioxyde de carbone (94 %), soit une augmentation d’environ 7 % d’émissions de gaz à effet de serre découlant de l’activité humaine en Utah.
Les recherches sur le terrain ont été effectuées alors que Soren Brothers occupait le poste de professeur adjoint de limnologie à la Utah State University, et que l’auteur principale, Melissa Cobo, était étudiante à la maîtrise à la même université. Tobias Goldhammer, coauteur, est chercheur associé au Leibniz Institute for Freshwater Research (IGB Institute) à Berlin, en Allemagne. Les émissions de dioxyde de carbone et de méthane du lit asséché étaient mesurées toutes les deux semaines à l’aide d’un analyseur d’émissions de gaz à effet de serre portable relié à une chambre hermétique. Sept sites à l’extrémité sud du lac ont été visités régulièrement au cours de l’année ; des échantillons ont été prélevés dans trois autres emplacements dans le cadre d’une expédition intensive de trois jours afin de déterminer la variabilité sur l’ensemble du lac d’une superficie de 4 400 km2, ce qui en fait le plus grand lac salé de l’hémisphère ouest. Le méthane étant 28 fois plus puissant que le dioxyde de carbone, l’impact global de ces émissions a été calculé en « équivalents de dioxyde de carbone » pour tenir compte de l’impact plus grand du méthane. Ces données ont permis d’affirmer que les émissions de gaz à effet de serre provenant du lit asséché étaient incontestablement reliées aux températures élevées, même dans les sites dont la surface est exposée depuis une vingtaine d’années. Pour déterminer si, sur le plan historique, le lac aurait été une source importante d’émissions de gaz à effet de serre, l’équipe a mesuré des émissions de gaz à effet de serre en bordure du lac et analysé la chimie de l’eau récoltée par les membres de l’équipe et des jeux de données recueillies par le gouvernement. Ensemble, ces analyses démontrent qu’à l’origine le lac n’était probablement pas une source importante d’émissions de gaz à effet dans l’atmosphère, faisant du lit asséché un vecteur inédit du réchauffement climatique.
Le changement climatique intensifiant la sécheresse dans les régions arides, l’assèchement des lacs et rivières contribue peut-être aux boucles de rétroaction climatiques et devrait faire partie intégrante des évaluations des émissions de gaz à effet de serre globales de même que des politiques et initiatives de réduction des émissions.
Crédits:
Échantillon de gaz sur le terrain © Soren Brothers
Cobo, M., Goldhammer, T., Brothers, S., (2024). « A desiccating saline lake bed is a significant source of anthropogenic greenhouse gas emissions », One Earth. DOI: 10.1016/j.oneear.2024.07.001
ROM Communications: David McKay, attaché de presse principal, davidm@rom.on.ca