TORONTO, le 31 juillet 2019 — Des paléontologues du Musée royal de l’Ontario et de l’Université de Toronto ont découvert les fossiles d’un nouveau prédateur de grande taille, dans les formations du parc national Kootenay, dans les Rocheuses canadiennes. Inconnue jusqu’à présent, l’espèce datant d’un demi-milliard d’années possédait des pinces en forme de râtelier et une bouche rappelant des tranches d’ananas, à l’avant de son énorme tête. Cette découverte jette un éclairage neuf sur la diversité des ancêtres des insectes, crabes, araignées et autres invertébrés du même genre. Les travaux des chercheurs ont été annoncés le 31 juillet 2019 dans un article des Proceedings of the Royal Society B.
Le nouveau venu, baptisé Cambroraster falcatus, peut faire 30 cm de long et nous arrive des schistes de Burgess, célèbre formation rocheuse datant de 506 millions d’années. « Cette créature devait être encore plus impressionnante de son vivant, car la majorité des animaux qui peuplaient le Cambrien n’étaient guère plus grands que le petit doigt, déclare Joe Moysiuk, doctorant stagiaire au Musée royal de l’Ontario, qui a piloté l’étude dans le cadre de sa thèse en écologie et biologie de l’évolution à l’Université de Toronto. Cambroraster es un lointain cousin d’Anomalocaris, l’emblématique prédateur suprême qui hantait les mers de l’époque. La nouvelle espèce semblait néanmoins se nourrir d’une toute autre façon ».
Le nom Cambroraster fait référence aux formidables pinces de l’animal, dotées d’une série d’excroissances qui évoquent les dents d’un râteau, pointées vers l’avant. « Selon nous, Cambroraster s’en servait pour ratisser les sédiments et capturer les proies enfouies dans la vase avec ses épines crochues, lui servant de filet », explique Jean-Bernard Caron, superviseur de M. Moysiuk et conservateur Richard M. Ivey de paléontologie des invertébrés au Musée royal de l’Ontario.
L’espace entre les épines tapissant ses pinces étant le plus souvent inférieur au millimètre, Cambroraster pouvait se nourrir de minuscules organismes, mais il devait aussi capturer des proies plus grandes et les avaler dans sa bouche circulaire, garnie de dents. C’est cet appareil buccal particulier qui a donné son nom aux radiodontes, groupe éteint au sein duquel figurent Cambroraster et Anomalocaris. On estime que les radiodontes constituent l’une des premières branches du clade des arthropodes (qui inclut les invertébrés modernes pourvus d’un exosquelette et d’un corps segmenté aux membres articulés).
Le deuxième terme formant le nom de l’espèce, falcatus, désigne un autre caractère distinctif de Cambroraster : la carapace massive qui lui sert de bouclier et protège sa tête. Sa forme rappelle celle du Millennium Falcon, le fameux vaisseau spatial de la série « La Guerre des étoiles ». « Avec son étonnante carapace céphalique aux profondes encoches abritant les yeux qui regardent vers le haut, Cambroraster ressemble aux animaux actuels qui peuplent le fond des mers comme les limules. Il s’agit d’un cas remarquable de convergence évolutive chez les radiodontes », déclare M. Moysiuk. Cette convergence tient probablement à un environnement et un mode de vie semblables. Comme le limule, Cambroraster utilisait peut-être sa carapace pour labourer les sédiments tout en se nourrissant.
Plus étonnant encore est le nombre incroyable de spécimens récupérés. « L’abondance des fossiles est extraordinaire », ajoute M. Caron, qui enseigne aussi à temps partiel l’écologie et la biologie de l’évolution, de même que les sciences de la Terre à l’Université de Toronto, et dirige des expéditions sur le terrain qui ont mis à jour les nouveaux fossiles. « Nous en avons trouvé des centaines au cours des derniers étés, parfois même, des dizaines sur la même plaque rocheuse. »
Grâce à une centaine de ces fossiles, exceptionnellement bien préservés, qui ont désormais trouvé place au Musée, les chercheurs sont parvenus à reconstituer Cambroraster avec une rare précision, révélant en détail des caractères qui n’avaient jusqu’à présent jamais été observés chez des espèces apparentées.
« Les fossiles de radiodontes sont rares. Habituellement, on en trouve des fragments ici et là. La présence de tant de morceaux et, chose inhabituelle, de fossiles entiers, bien préservés, est un véritable coup de chance, car cela nous aidera à mieux comprendre l’apparence de l’animal et son mode de vie », poursuit M. Caron. Cette découverte nous emballe. Cambroraster montre clairement que la prédation jouait un rôle majeur en ces temps lointains et qu’elle est à l’origine d’adaptations surprenantes au niveau de la morphologie. »
Les fossiles du Cambrien, surtout ceux issus de sites comme les schistes de Burgess, racontent la fantastique « explosion » de la biodiversité à cette époque, qui a conduit à l’avènement de la plupart des principaux groupes d’animaux qu’on connaît aujourd’hui. Cependant, l’histoire est beaucoup plus complexe qu’un simple fil reliant des ancêtres simples à une multitude d’espèces modernes. « Les radiodontes n’étaient pas des créatures primitives. À l’aube des écosystèmes complexes qui caractérisent la Terre, les premiers membres de la famille des arthropodes ont vite rayonné pour occuper d’innombrables niches écologiques », déclare M. Moysiuk.
Les fossiles ont été découverts à plusieurs endroits dans la région du canyon Marble du parc national Kootenay, en Colombie-Britannique, site repéré au cours des fouilles dirigées par le ROM depuis 2012, Quelques spécimens importants ont d’ailleurs été dégagés l’été dernier. Les sites en question se trouvent à une quarantaine de kilomètres du lit fossilifère original des schistes de Burgess, dans le parc national Yoho, dont la découverte remonte à 1909. Les chercheurs sont également enchantés qu’il existe, dans le nord du parc national Kootenay, un nouveau secteur d’exploration scientifique de grande envergure susceptible de révéler de nombreuses espèces inconnues.
Les sites fossilifères des schistes de Burgess se trouvent dans les parcs nationaux Yoho et Kootenay, et sont administrés par Parcs Canada. L’organisme est fier d’aider des scientifiques de renom à enrichir nos connaissances sur cette période déterminante de l’histoire de la Terre afin qu’on la comprenne mieux. Il est également heureux de faire connaître ces endroits au reste de la planète grâce à des randonnées guidées qui ont remporté plusieurs prix. En 1980, l’UNESCO a inscrit les schistes de Burgess au patrimoine mondial en raison de leur valeur exceptionnelle pour l’humanité. Les schistes font désormais partie du site du patrimoine mondial plus important que forment les parcs des Rocheuses canadiennes.
Il sera question de la découverte et de l’étude de Cambroraster dans l’épisode « First Animals » de la série The Nature of Things, qui sera diffusé sur la chaîne anglaise de Radio-Canada le 18 octobre 2019, à 21 h, ainsi que sur CBC Gem, son service gratuit de diffusion en continu. Ces fossiles et d’autres spécimens recueillis dans les schistes de Burgess seront aussi présentés dans la toute nouvelle Galerie Willner Madge de l’aube de la vie au Musée royal de l’Ontario inaugurée en 2021. Dès cet été, certains spécimens de Cambroraster seront exposés dans une vitrine aménagée en préparation de la Galerie Willner Madge de l’aube de la vie.
Ces recherches et les expéditions sur le terrain bénéficient d’un important soutien financier du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (subvention à la découverte n° 341944), du Musée royal de l’Ontario, de la National Geographic Society (n° 9475-14), du Conseil de recherche de Suède (pour Michael Streng), de la National Science Foundation (NSF-EAR-1554897) et du Collège Pomona (pour Robert R. Gaines). Les travaux réalisés par M. Moysiuk dans le cadre de son doctorat bénéficient également d’une bourse d’études supérieures du CRSNG.
- 30 -
A new hurdiid radiodont from the Burgess Shale evinces the exploitation of Cambrian infaunal food sources, Proceedings of the Royal Society B
http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2019.1079
Renseignements
David McKay, coordonnateur aux communications
davidm@rom.on.ca
416.586.5559
Joseph Moysiuk, doctorant (auteur principal)
joe.moysiuk@mail.utoronto.ca
416.586.8000, poste 5633
Jean-Bernard Caron (Ph. D.), conservateur Richard M. Ivey de paléontologie des invertébrés
Département d’histoire naturelle
Musée royal de l’Ontario
jcaron@rom.on.ca
416.586.5593 #1
Amy Krause
Agente des relations publiques et des communications / parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay
Parcs Canada / Gouvernement du Canada
amy.krause@canada.ca
Tél. : 403-522-4230 / Cellulaire : 403-760-4500
Réseaux sociaux
Participez à la conversation : #ROMItsAlive @ROMToronto
J’aime ROM Facebook
Instagramme : romtoronto
Regardez ROM YouTube
Blogue : ROMblog
LE ROM
Ouvert en 1914, le Musée royal de l’Ontario (ROM) fait connaître les arts, la culture et la nature du monde entier au fil des siècles. Le ROM, l’une des 10 institutions culturelles les plus réputées d’Amérique du Nord, est aussi le musée le plus important et le plus complet au Canada. Ses collections de classe mondiale réunissent plus de treize millions d’objets d’art et de spécimens naturels dans 40 galeries et salles d’exposition. Principal centre de recherche sur le terrain au pays et chef de file mondial pour ses découvertes originales, le ROM joue un rôle essentiel dans notre appréciation des arts, de la culture et de la nature. Le Musée, qui allie l’architecture de l’édifice historique et le style contemporain du Cristal Michael Lee-Chin créé par le Studio Daniel Libeskind, constitue à la fois un site d’intérêt national et une destination culturelle dynamique en plein centre de Toronto dont tous et toutes peuvent profiter.