TORONTO (Ontario), Canada, le 3 février 2017 – Une nouvelle espèce de lobopodien, un animal vermiforme à pattes molles datant du Cambrien (il y a 541 à 485 millions d’années), a été décrite pour la première fois à partir de fossiles découverts sur un site des schistes de Burgess dans les Rocheuses canadiennes. L’étude décrivant cette nouvelle espèce, appelée Ovatiovermis cribratus, a été publiée récemment dans la revue en libre accès BMC Evolutionary Biology, sous le titre Cambrian suspension-feeding lobopodians and the early radiation of panarthropods (en anglais).
Ovatiovermis cribratus est seulement la troisième espèce de lobopodien en provenance des schistes de Burgess à être décrite officiellement. Cette espèce, l’une des plus rares à y avoir été découverte, fait maintenant partie de la collection du Musée royal de l’Ontario situé à Toronto.
Jean-Bernard Caron, conservateur principal en paléontologie des invertébrés au Musée royal de l’Ontario (ROM), professeur agrégé au Département d’écologie, de biologie évolutive et des sciences de la Terre à l’Université de Toronto et auteur principal de cette étude, a déclaré : « Bien qu’Ovatiovermis ne soit pas plus gros que mon pouce quand ses membres sont complètement déployés et qu’on n’en connaisse que deux spécimens, cette nouvelle espèce nous donne de précieux renseignements sur l’écologie des lobopodiens et leurs liens de parenté. Les lobopodiens sont un groupe d’invertébrés marins datant principalement du Cambrien qui sont essentiels à notre compréhension d’animaux modernes : les tardigrades, des onychophores et le plus grand groupe d’animaux vivant sur la Terre, les arthropodes. »
Les chercheurs croient que la présence de solides pinces courbées sur ses membres postérieurs auraient permis à Ovatiovermis et à d’autres espèces apparentées de s’accrocher à des surfaces dures et de se redresser plus ou moins bien. Deux longues paires de membres souples et spinuleux (poilus ou épineux) à l’avant du corps auraient servi à filtrer l’eau et à en extraire les particules alimentaires, puis à les rapprocher de sa bouche éversible, armée de dents. Selon Cédric Aria, doctorant au Département d’écologie et de biologie évolutive à l’Université de Toronto et co-auteur de l’étude : « Le nom de cet animal reflète les diverses phases d’adaptation qu’il a connues pour s’accrocher afin de se nourrir en filtrant les particules. Le nom latin de l’espèce, cribratus, signifie « tamiser » et le nom du genre, Ovatiovermis, renvoie à sa posture probable au fond de la mer : un animal vermiforme oscillant sur ses pattes comme s’il était en mouvement perpétuel. »
Même si les lobopodiens sont connus et font l’objet d’études depuis longtemps et qu’ils occupent une curieuse place dans l’arbre du vivant des invertébrés, nous en savions très peu sur leur écologie. Les auteurs de cette étude pensent également qu’elle apporte de nouveaux éléments d’information sur l’évolution des lobopodiens et des espèces apparentées.
Comme l’a ajouté M. Aria : « Jusqu’à présent, les lobopodiens ont surtout été considérés comme un groupe hétérogène. Nous pensons que le mode d’alimentation par suspension était fort répandu parmi ce groupe et a même joué un rôle important dans l’évolution de ce très grand groupe qui a donné naissance aux tardigrades, aux onychophores et aux arthropodes. Fait des plus intéressants : Aujourd’hui, les caprellidés, des arthropodes et donc des espèces vivantes plus complexes mais apparentées aux lobopodiens, ont adopté un mode de vie très semblable. On peut les voir oscillant dans l’eau comme le faisait probablement Ovatiovermis. » Selon M. Caron, « ces résultats viennent corroborer le fait que le mode d’alimentation par suspension était déjà très répandu au Cambrien et a joué un rôle important dans l’élaboration des écosystèmes marins modernes. Il a dû aussi jouer un rôle dans la diversification rapide des premiers animaux. »
Les chercheurs ont toutefois été surpris de constater que, contrairement à de nombreux autres lobopodiens, O. cribratus ne possède aucune structure dure pour protéger son corps. Pour reprendre les propos de M. Caron : « Contrairement à ses parents, O. cribratus ne possède ni épines ni carapace. On peut se demander comment cet animal
« nu » se protégeait des prédateurs. »
L’absence de structures défensives chez cette nouvelle espèce indique que les organismes qui vivaient au Cambrien n’ont pas seulement développé des structures dures dans le but de se protéger. En effet, les chercheurs émettent l’hypothèse qu’Ovatiovermis cribratus aurait peut-être vécu dans des colonies d’éponges afin d’éviter les prédateurs ou, par analogie avec des animaux modernes, qu’il aurait peut-être utilisé le camouflage et/ou qu’il était peut-être suffisamment toxique ou désagréable au goût pour les prédateurs. Il s’agit là d’un mystère difficile à élucider quand on ne dispose que de fossiles et qui pourrait fort bien demeurer à jamais l’un des secrets d’Ovatiovermis.
Situés dans les parc nationaux Yoho et Kootenay, les schistes de Burgess font partie des parcs des montagnes Rocheuses canadiennes inscrits au patrimoine mondial. Le spécimen de référence (holotype) a été découvert par le Musée royal de l’Ontario dans la carrière Walcott, le site d’origine des schistes de Burgess dans le Parc national Yoho. Pendant près de 20 ans, ce spécimen est demeuré le seul spécimen connu de cette nouvelle espèce jusqu’au jour où un visiteur a découvert par hasard un deuxième spécimen lors d’une randonnée guidée à la carrière Walcott organisée par Parcs Canada.
Parcs Canada protège les schistes de Burgess, en plus de soutenir la recherche scientifique jugée par les pairs. Grâce à ce genre de recherche, nous sommes en mesure de mieux comprendre ces riches gisements paléontologiques. Cette découverte vient enrichir l’histoire de l’évolution des premiers animaux, que les guides de Parcs Canada transmettent avec enthousiasme aux centaines de personnes qui visitent le site chaque année.
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David McKay
Coordonnateur des communications
Musée royal de l'Ontario
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