Des descendants modernes de l’Hallucigenia hantent les jungles de la planète.
Les schistes argileux de Burgess, vieux de 505 millions d’années, observables au parc national du Canada Yoho, sont reconnus pour contenir les fossiles d’étranges animaux marins, qu’on croyait pour la plupart uniques sur la planète. Une étude publiée aujourd’hui dans la prestigieuse revue scientifique britannique Proceedings of the Royal Society B suggère au contraire que l’une des créatures les plus célèbres du parc aurait eu de la famille tout autour du globe.
L'Hallucigenia sparsa est un animal épineux rappelant un ver qui se déplaçait sur ses multiples paires de pattes. Décrite pour la première fois dans les schistes argileux de Burgess il y a plus d’un siècle, cette rare créature avait longtemps mystifié les naturalistes qui s’efforçaient de mieux comprendre comment elle vivait et si elle avait des parents. L’étude rendue publique aujourd’hui, menée par une équipe du Musée royal de l’Ontario (ROM), de l’Université de Toronto et de l’Université de Cambridge, révèle que l’Hallucigenia aurait en fait eu des parents partout dans le monde.
En reprenant l’examen de spécimens d’Hallucigenia au moyen de technologies à la fine pointe du progrès, le chercheurs ont remarqué que ses épines défensives ressemblaient fortement à des amas isolés de petits fragments exhumés dans le monde entier, que les scientifiques cherchaient à identifier depuis des décennies; en effet, les deux groupes d’épines portaient en surface de subtils motifs décoratifs et étant structurés un peu comme des cornets de crème glacée empilés. Ces caractéristiques se révèlent assez inéquivoques pour permettre aux chercheurs d’avancer que ces petits amas d’épines isolés sont en fait apparentés à l’Hallucigenia. De concert avec des espèces voisines, l’Hallucigenia a formé un groupe de créatures qui couvraient tous les anciens fonds marins de la planète durant la période cambrienne.
« Nous savons maintenant que, durant le Cambrien, l’Hallucigenia avait des parents dans le monde entier, au Canada comme aux États-Unis, en Chine comme en Mongolie, et du Royaume-Uni jusqu’en Australie », a commenté Jean-Bernard Caron, conservateur de la section Paléontologie des invertébrés au ROM, et rédacteur principal de l’étude. « Notre étude a démontré que les épines, plus résistantes à la décomposition, avaient été mieux préservées dans nombre de gisements fossilifères conventionnels, mais que ce n’est qu’à des sites exceptionnels, comme dans les schistes argileux de Burgess, qu’on peut observer des spécimens articulés complets, auxquels des épines sont encore attachées, de ces délicates créatures au corps mou. »
« Les fragments solides découverts dans les gisements fossilifères conventionnels concordent avec les informations fournies par les schistes argileux de Burgess et d’autres gisements « exceptionnels » similaires : mises ensemble, ces sources de données offrent un aperçu sans précédent de l’évolution et de l’écologie des animaux complexes les plus primitifs », a ajouté Martin Smith, de l’Université de Cambridge, corédacteur de l’étude.
« L’Hallucigenia ressemble à s’y méprendre à son parent des temps modernes, l’onychophores, un ver qui vit dans les arbres tombés dans les jungles du monde entier, et ce, même si l’Hallucigenia a précédé de longtemps les premières forêts, et de fait les premières créatures terrestres vivantes. En dépit de cette différence d’habitats, les formes du Cambrien étaient probablement, comme leurs représentants modernes, des prédateurs ou des charognards de créatures microscopiques et jouaient probablement des rôles écologiques similaires », a avancé Caron.
Même découvert il y a plus d’un siècle, l’Hallucigenia a été étudié pour la première fois en 1977 par le paléontologue réputé Simon Conway Morris, qui l’a baptisé ainsi en raison « de son étrangeté et de son aspect onirique », rappelant une hallucination. Il est devenu depuis l’une des créatures les plus reconnaissables des schistes argileux de Burgess.
Gérés par Parcs Canada dans le parc national Yoho, les gisements fossilifères des schistes argileux de Burgess sont devenus, en 1981, l’un des premiers Sites du patrimoine mondial de l’UNESCO au Canada. Ils ont depuis été intégrés au vaste Site du patrimoine mondial des parcs des montagnes Rocheuses canadiennes. Les schistes de Burgess attirent chaque année dans le parc des milliers de visiteurs qui, de juillet à septembre, participent à des randonnées guidées jusqu’à ces gisements fossilifères d’accès restreint. Parcs Canada et la Burgess Shale Geoscience Foundation dirigent des randonnées jusqu’aux fossiles. L’essentiel des spécimens extraits des schistes argileux de Burgess sont conservés au ROM, à Toronto, pour Parcs Canada.
« Les schistes argileux de Burgess sont une ressource d’une incroyable richesse, qui contribue de façon inestimable à notre compréhension de l’apparition de la vie sur cette planète », a ajouté Melanie Kwong, directrice de Parcs Canada responsable du gisement. Parcs Canada est extrêmement fier d’offrir un accès aux schistes argileux de Burgess pour y tenir des recherches de pointe et nos randonnées d’interprétation primées et protéger à jamais leurs fossiles dans un parc national et Site du patrimoine mondial de l’UNESCO. »
Pour en savoir davantage sur les schistes argileux de Burgess, visitez le site www.burgess-shale.rom.on.ca