De nouvelles découvertes sur les schistes de Burgess : Des vers épineux abondaient dans les mers du Cambrien
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Hallucigenia sparsa n’est pas un animal ordinaire. Rien de plus bizarre que cette espèce emblématique des schistes de Burgess, dont le ROM détient la plus importante collection de spécimens au monde.
Un article publié dans le numéro du 31 juillet de Proceedings of the Royal Society, Series B, Series B jette nu nouvel éclairage sur cette créature fascinante.
Hallucigenia se déplaçait sur des épines droites (ci-dessus). On y voyait un animal au corps tubulaire soutenu par des paires d’échasses!
Les scientifiques ont modifié leur conception d’Hallucigenia en retournant l’animal, après avoir découvert deux rangées de pattes, sous le corps, armées de griffes acérées à leur extrémité. Ils croyaient auparavant que ces pattes étaient des tentacules dorsaux avec lesquels il capturait ses proies. Dans la nouvelle reconstitution, les échasses sont devenues des épines défensives extrêmement dangereuses qui protègent Hallucigenia des prédateurs qui, sinon, n’auraient fait qu’une bouchée de ses parties molles.
N’ayez crainte – Hallucigenia n’est pas plus gros qu’un sourcil. Il vivait il y a 505 millions d’années, époque où la terre ferme n’avait pas encore été colonisée par les plantes et les animaux et où les créatures les plus impressionnantes habitaient les océans. Il a pour plus proches parents les onychophores, espèces contemporaines qui, elles, sont dépourvues d’épines ou de plaques protectrices. On ne sait quand ce groupe a perdu ses moyens défensifs, sans aucun doute devenus inutiles au fil du temps. Exclusivement terrestres, les onychophores ne se rencontrent que dans les forêts tropicales. Prédateurs nocturnes chassant à l’affût, tapis sur le tronc d’arbres morts, ils enrobent leurs proies (des arthropodes et autres petits animaux) d’une glu qu’émettent des glandes situées près de leur bouche. Hallucigenia se serait nourri d’éponges ou de la matière en décomposition des planchers océaniques. Pour en savoir plus long, consultez le site des schistes de Burgess.
On a découvert récemment que, contrairement à ce qu’on avait cru pendant des décennies, le Cambrien avait connu plusieurs espèces apparentées à Hallucigenia. En fait, son nom spécifique, sparsa, signifie rare en latin. Comment a-t-on fini par découvrir que cet animal était en fait très commun et que sa famille était beaucoup plus grosse qu’on ne le pensait?
L’un des rares problèmes des schistes de Burgess (comme dans la grande majorité des sites fossilifères), c’est qu’ils conservent mal les organismes à corps mou comme Hallucigenia dans les conditions normales. La seule partie un peu plus dure, ce sont ses épines. Même si la faune des schistes de Burgess s’est exceptionnellement bien conservée, il s’agit d’un site parmi d’autres, où se sont fossilisés des animaux vivant dans un lieu donné à une époque donnée. C’est pourquoi il faut examiner les autres gisements pour mieux connaître la répartition des espèces au Cambrien, pour savoir à quand remontent les premiers ancêtres d’un animal tel qu’Hallucigenia.
Par un heureux hasard, nous avons découvert au microscope électronique à balayage que les épines d’Hallucigenia étaient pourvues de minuscules petits piquants aux motifs caractéristiques. De plus, ces épines ressemblaient à des cornets de crème glacée empilés, tête en bas, les uns sur les autres.
On a découvert des épines semblables dans pratiquement tous les sites où les parties molles n’ont pas été conservées. En effet, on n’y a exhumé que de petits éléments squelettiques ou minéralisés (voir le lien à ce propos). La plupart des épines qu’on y trouve ont longuement intrigué les paléontologues, car ils ne semblaient pas appartenir à des créatures connues. En fait, personne ne savait ce qu’ils étaient avant notre découverte. D’autre part, comme les sites comportant ces épines sont relativement communs, ils nous ont renseignés sur la répartition des espèces au Cambrien. Maintenant que nous savons que ce sont des épines d’Hallucigenia (ou de proches parents), nous pouvons brosser un portrait plus précis de la faune cambrienne.
Il reste toutefois beaucoup de travail à faire. Par exemple, nous ne savons pas encore vraiment distinguer l’avant et l’arrière d’Hallucigenia! Nous préparons une nouvelle description d’Hallucigenia, avec l’aide de la magnifique collection du ROM sur les schistes de Burgess – la plus importante qui soit au monde. Nous sommes sûrs que ce mystérieux petit animal n’a pas fini de nous étonner. La suite au prochain épisode!
Article de référence : Caron J.-B., Smith M., Harvey T.H.P. 2013 Beyond the Burgess Shale: Cambrian microfossils track the rise and fall of hallucigeniid lobopodians. Numéro en ligne du 31 juillet 2013 de Proceedings of the Royal Society B: Biological Science
Le communiqué du ROM sur cet article se trouve dans la salle de presse du Musée
Voir l’article d’Ed Young dans le National Geographic : "When hallucinations walked the world"
Jean-Bernard Caron, conservateur de la paléontologie des invertébrés (biographie; recherches)
Pour en savoir plus long sur le parc national du Canada Yoho (où se trouvent les schistes de Burgess) et ses étranges fossiles, consultez le site multimédia interactif conçu par le ROM et Parcs Canada. https://burgess-shale.rom.on.ca/