Des histoires d’impression, de teinture et d’étude des textiles
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Blogue écrit à l'origine en anglais par Rajarshi Sengupta, ROM IARTS 2017-2018.
Penché sur une table dans la salle d’étude des textiles du ROM, le maître graveur Gangadhar Kondra examinait de près une tenture en coton ornée de motifs complexes imprimés à la planche. Cette première visite au Canada avait été rendue possible grâce, à la fois, à une subvention du Fonds des textiles de l’Inde de l’IARTS (2017-2018) et à la générosité du personnel du Musée. L’artiste avait pour la première fois l’occasion de voir des textiles anciens teints, peints et imprimés dans sa région. Graveur primé, Gangadhar Kondra vit à Pedana, près de Machilipatnam, ville portuaire et centre de production textile situé sur la côte de Coromandel dans le sud de l’Inde. Le ROM possède une collection importante et impressionnante de textiles provenant de cette région et réalisés entre le 16e siècle et aujourd’hui. Les motifs recherchés qui ornent ces textiles ont été obtenus au moyen de procédés complexes de dessin et d’impression utilisant des mordants, des teintures et des produits de réserve comme la cire. La plupart de ces tissus de coton étant destinés à l’exportation, il n’en subsiste aujourd’hui que peu d’exemplaires en Inde. En tant qu’artiste possédant des dizaines d’années d’expérience de la gravure, Gangadhar s’intéresse tout particulièrement à la façon dont ses prédécesseurs ont utilisé le bois pour réaliser ces impressionnants motifs. Après avoir passé une journée entière dans les réserves du Musée, en ne prenant que de courtes pauses, Gangadhar m’a dit, avec un large sourire : « J’ai déjà vu des photos de textiles de Coromandel dans un livre [Kokyo Hatanaka, Textile Arts of India, San Francisco, Chronicle Books, 1996], mais voir ces textiles de mes yeux produit un effet 99% plus fort! »
Tandis que Gangadhar était captivé par les compositions des textiles anciens, Jagada Rajappa, spécialiste des teintures, se concentrait sur les techniques de teinture par couches utilisées par les fabricants de tissus. Jagada, active elle aussi depuis des décennies à titre de teinturière, d’enseignante et de championne des pratiques durables fondées sur les teintures naturelles, réfléchissait aux procédés antérieurs et postérieurs à la teinture qui ont assuré la solidité de la couleur et l’éclat des cotonnades anciennes, toujours éblouissantes même des siècles plus tard. Elle a également expliqué au personnel du Musée la gamme de techniques de mordançage et de réserve, preuve des connaissances inégalées que possédaient les teinturiers sur leur milieu et sur les ressources environnantes.
L’information recueillie auprès de Jagada et Gangadhar nous a incités à considérer ces textiles anciens du point de vue de leurs créateurs. Autrement dit, la synergie entre ces maîtres artisans vivants et les objets du passé a révélé la présence invisible des communautés de tisserands, de laveurs, de teinturiers, de peintres et de graveurs qui ont soutenu la production de ces textiles, mais qui sont trop souvent absents des livres. De telles interactions masquent en partie la frontière entre le passé et le présent, et nous permettent de considérer la pertinence des textiles et des objets anciens au-delà de leur propre chronologie. Les discussions sur le savoir-faire technique associé à ces textiles a soulevé bien des questions sur la continuité, les interruptions et les reprises du processus de création de tissus teints dans la région de Coromandel au fil du temps. Ces questions ne nous ont pas menés à un ensemble précis de réponses, mais ont suscité maintes possibilités d’interprétation et de participation, qui seront examinées de façon plus approfondie dans l’exposition organisée prochainement par le ROM sur ces mêmes cotonnades teintes, peintes et imprimées. L’exposition, qui aura lieu en avril 2020, rétablira le lien entre les textiles anciens et leur création, permettant ainsi aux visiteurs de faire pleinement l’expérience de leur splendeur.