Manipuler des araignées vivantes

Gil Wizen, entomologiste et photographe, et Mateus Pepinelli, chercheur postdoctoral au ROM, ont fait partie du laboratoire des araignées du musée pendant la durée de l'exposition Araignées : Peur et fascination. Ils nous parlent ici de l'extraction du venin d'araignée, des pires morsures et piqûres qu'ils ont rencontrées au cours de leur carrière et de leur intérêt pour ces magnifiques arachnides.

En quoi consiste le travail d'un wrangler d'araignées ?
GW : Il s'agit avant tout de s'occuper des arthropodes vivants du musée. Il s'agit notamment de nourrir et d'abreuver les araignées, de veiller à ce que les conditions d'élevage dans les enclos soient correctes et de tenir des registres sur les événements particuliers tels que la mue, l'extraction de venin, la reproduction et la mortalité. En outre, je suis responsable de l'entretien des colonies vivantes d'insectes nourriciers : mouches soldats, blattes et grillons. L'extraction (ou la traite) du venin des araignées et des scorpions devant les visiteurs du musée est une composante majeure de notre rôle dans l'exposition sur les araignées. Le venin est ensuite envoyé dans des laboratoires à l'étranger pour être utilisé dans la recherche. Un autre aspect de mon travail consiste à concevoir des cages d'exposition adaptées aux besoins d'élevage des araignées et à fournir une présentation adéquate à nos visiteurs. Je travaille également avec le service des médias pour produire des vidéos d'information sur nos activités et la biologie de nos animaux à l'intention des visiteurs du ROM.

Depuis combien de temps êtes-vous maître-araignée ?
MP : Depuis que je suis enfant, je suis fasciné par les petites créatures qui peuplent le monde. Je suis entomologiste et j'ai plus de 17 ans d'expérience dans l'écologie, la taxonomie et l'évolution des insectes aquatiques. Mon parcours de recherche m'a permis d'acquérir une expertise avancée dans la taxonomie et la systématique de divers insectes, en particulier les diptères (les vraies mouches). J'ai découvert et nommé officiellement 22 espèces de mouches noires et de moucherons non piqueurs, et mon projet actuel porte sur les insectes fossiles. Bien que le poste de wrangler soit mon premier travail "officiel" sur les araignées, je m'intéresse depuis longtemps aux arachnides, que j'observe et que je photographie depuis mes études de premier cycle au Brésil.

Quelle est votre araignée préférée ?
MP : Il y a tellement d'araignées sympas parmi les 48 000 actuellement connues de la science qu'il est difficile d'en choisir une seule ! Mais si j'étais pressé, je dirais que l'araignée sauteuse Spid-a-boo(Jotus remus), récemment découverte, est en tête (ou presque) de ma liste. Malgré sa taille minuscule (typique des araignées sauteuses, y compris l'araignée paon), cette espèce se distingue par le comportement des mâles lors de l'accouplement. Ils jouent à cache-cache en agitant leur patte en forme de pagaie pour attirer les femelles.

Combien de fois avez-vous été mordu par une araignée ? Et quelle est la pire morsure que vous ayez subie ?
GW : Un nombre incalculable de fois. C'est quelque chose qui vient avec le travail, surtout si l'on est impliqué dans le travail de terrain. J'appelle cela des "accidents" parce qu'à part les parasites et les arthropodes suceurs de sang, la plupart des arthropodes piqueurs et mordeurs ne nous veulent pas du mal. Je n'ai été piqué ou mordu que lorsque j'ai frôlé une araignée, que je l'ai fait sursauter ou que je l'ai pressée accidentellement. Étonnamment, la pire morsure que j'aie jamais subie n'était pas celle d'une araignée. C'était la piqûre d'une punaise assassine de l'Équateur amazonien. Une douleur extrêmement vive et pulsatile qui a duré quelques heures. Nous ne savons pas grand-chose sur le venin des punaises assassines et je craignais donc des complications cliniques. Mais je suis toujours en vie. La pire expérience que j'ai eue avec un arachnide a été une piqûre de scorpion. Je cherchais des insectes sous des pierres dans les montagnes de Judée en Israël, et lorsque j'ai retourné une grosse pierre, j'ai été piqué par un très petit scorpion Compsobuthus. Il ne s'agissait pas d'une espèce dangereuse, mais le venin était suffisamment puissant pour engourdir ma main pendant plusieurs heures. Même après que la douleur se soit estompée, j'ai ressenti une gêne les jours suivants.

MP : C'est une question facile pour quelqu'un qui collectionne les insectes suceurs de sang depuis plus de 17 ans. Après une piqûre de moustique indolore près de ma paupière lors d'une excursion, la région autour de la piqûre est devenue si enflée que je ne pouvais plus ouvrir l'œil. J'ai dû me rendre deux fois à l'hôpital pour tenter de comprendre la cause de ce gonflement, car je n'avais pas imaginé qu'une simple piqûre de moustique pouvait causer de tels dégâts. Vous auriez dû voir la tête des gens qui me voyaient dans cet état - on aurait dit qu'ils assistaient à une scène d'un film d'horreur.

Pourquoi n'avez-vous pas peur des araignées ?
MP : Bien que toutes les araignées soient venimeuses, la grande majorité d'entre elles n'ont pas un venin suffisamment puissant pour blesser les humains. Plus important encore, les araignées essaieront invariablement d'éviter tout contact avec vous. Par conséquent, le risque de morsure est minime. En d'autres termes, il n'y a aucune raison d'avoir peur des araignées. En fait, elles me fascinent et j'essaie de m'en approcher suffisamment pour prendre une photo chaque fois que je le peux.

GW : La vraie question est : pourquoi aurais-je peur des araignées ? Je les trouve plutôt adorables, en fait. La plupart des araignées sont timides et se tiennent à l'écart, et même lorsque nous les rencontrons, elles préfèrent généralement éviter la confrontation et s'en aller. Elles ne nous veulent pas du mal et sont des animaux bénéfiques, car elles contrôlent les populations d'insectes (dont beaucoup sont des parasites et des suceurs de sang). J'aurais davantage peur des animaux plus gros et même des humains, car ils peuvent parfois être imprévisibles.