Migrations des insectes

Lorsqu'on leur demande de citer une seule espèce d'insecte qui migre, la plupart des gens peuvent facilement citer le papillon monarque(Danaus plexippus). Cette espèce charismatique est connue pour son voyage phénoménal vers le Mexique à l'automne, au cours duquel la même génération fait tout le voyage. Le retour, en revanche, est effectué par étapes par trois générations différentes de monarques. Parmi les autres espèces de papillons migrateurs, citons l'amiral rouge, la dame peinte, la dame d'Amérique, le petit jaune, le soufre orange, le museau d'Amérique, le point d'interrogation et la bartavelle.

Un fait peu connu est que d'autres insectes migrent également chaque année, comme certaines espèces de mouches des fleurs et de libellules. Les mouches des fleurs (famille des syrphidés), également appelées "mouches volantes", sont magnifiquement colorées et leur apparence imite souvent celle des abeilles et des guêpes. Les larves se nourrissent de pucerons et sont considérées comme d'importants agents de lutte contre les ravageurs ; les adultes sont d'importants pollinisateurs. Les mouches assurent environ un tiers de la pollinisation, les mouches des fleurs étant les plus efficaces. Les habitudes migratoires des mouches des fleurs sont peu connues. Les scientifiques tentent de déterminer la distance qu'elles parcourent ainsi que leur destination.

La mouche du coche(Eristalis tenax) est une mouche des fleurs originaire d'Europe, mais que l'on trouve aujourd'hui dans le monde entier ; elle est largement répandue en Amérique du Nord. Les larves, appelées "asticots à queue de rat", vivent dans des habitats aqueux ou semi-aqueux, y compris les excréments. Des migrations impressionnantes de cette mouche ont lieu en Europe, où elles constituent un événement annuel.

D'après quelques signalements effectués entre 1915 et 1926, cette espèce était connue pour migrer le long de la côte est des États-Unis, mais il n'y a pas eu de rapports significatifs depuis lors. Sur la côte californienne, une grande migration de cette espèce a été signalée en 2017. L'Ontario abrite d'autres espèces de mouches des fleurs migratrices, comme Scaeva affinis, qui est utilisée dans la lutte biologique contre les pucerons. Lapposyrphus lapponicus est une espèce migratrice holarctique que l'on trouve généralement dans les forêts, mais qui peut être présente dans de nombreux autres habitats. Alors que de nombreuses études ont été menées sur les migrations des papillons, ces mouches migratrices n'ont pas fait l'objet de recherches suffisantes.

Le tramé noir(Tramea lacerata) et le dard vert(Anax junius) sont des libellules migratrices communes en Ontario, mais le dard vert hiverne plus au sud. Au début de l'automne, les migrateurs se dirigent vers le sud des États-Unis et les îles des Caraïbes, où ils se reproduisent, puis meurent. La génération suivante, non migratrice, vit sur les côtes méridionales, où elle s'accouple ; sa progéniture constitue la génération qui voyage vers le nord. Comme il est difficile de marquer ou d'utiliser des traceurs sur ces petits insectes, les scientifiques ont utilisé des spécimens de musée pour en savoir plus sur les schémas de migration. Des échantillons d'ailes sont analysés et les signatures chimiques (isotopes d'hydrogène) permettent d'identifier le lieu géographique où la libellule est née.

La libellule planeur(Pantala flavescens), également connue sous le nom de "globe wanderer", détient peut-être le record de la migration la plus lointaine du monde des insectes, peut-être plus de 7 000 kilomètres dans un sens, en migrant entre l'Inde et l'Afrique à travers l'océan Indien. Cette libellule a une répartition mondiale et une migration multigénérationnelle. Dans le sud de l'Ontario, on peut l'observer fréquemment certaines années et rarement d'autres années. En analysant les profils génétiques de ces insectes provenant de différentes parties du monde, les scientifiques ont déterminé qu'il s'agit d'une seule et même population qui se reproduit.

De la pollinisation des fleurs et des cultures à la lutte contre les parasites, les migrations d'insectes jouent un rôle très important dans le maintien de la santé de nos écosystèmes.

Antonia Guidotti est technicienne en entomologie au département d'histoire naturelle du ROM.