Un exemple rare d'art byzantin
Panneau d'ivoire réalisé pour la cour impériale, exposé au ROM.
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L'art byzantin connaît un nouvel essor
L'art byzantin a connu un nouvel essor après la fin de l'iconoclasme en 843 de notre ère, période au cours de laquelle l'utilisation de toutes les images figuratives dans l'art religieux a été interdite pendant près d'un siècle. Cet épanouissement des arts a commencé à Constantinople sous Basile Ier, le premier empereur macédonien, et l'époque est connue sous le nom de Renaissance macédonienne, du nom de la dynastie régnante (867-1056 de notre ère). Ces empereurs, à la fois érudits et mécènes, ont réintroduit les images de la vie du Christ et des saints dans toutes les facettes de l'art, y compris dans les œuvres en métal précieux et en ivoire. Certaines des sculptures en ivoire de la plus haute qualité ont été produites au cours d'une période relativement courte d'environ 100 ans, couvrant le 10e siècle.
Le ROM a la chance de recevoir, en prêt à long terme, un très rare et exquis panneau d'ivoire byzantin à double face, réalisé pendant cette période dorée, vers 950-1000 de notre ère. L'une des faces est sculptée d'une figure en pied de saint Jean l'Évangéliste, accompagnée d'une inscription grecque o a(gios) ioannes (saint Jean). L'autre face porte trois médaillons, chacun renfermant le buste d'un saint homme martyr, accompagné d'une inscription grecque les identifiant respectivement comme o a(gios) nountios(saint Nountios, un nom énigmatique), o a(gios) eugeneos (saint Eugenios) et o a(gios) orentiu (saint Orentios). Bien que les charnières soient perdues, il est clair, d'après une comparaison avec les sculptures d'ivoire qui ont survécu, qu'il formait à l'origine l'aile gauche d'un triptyque, avec probablement la figure de saint Jean à l'extérieur et les trois médaillons avec des saints à l'intérieur.
Saint Jean est représenté comme l'évangéliste visionnaire, âgé, barbu et chauve. Il se tient de face, sa tête auréolée étant vue de trois quarts. Il tient un livre d'Écritures de la main gauche et bénit de la main droite. Ses vêtements liturgiques élaborés, portés en plusieurs couches, sont magnifiquement rendus par des plis profonds et doux qui se chevauchent. Bien que sculpté à petite échelle, saint Jean a une allure de statue, avec des proportions hautes et élancées.
Sur le côté opposé, les bustes des trois saints martyrs sont représentés de face, leurs têtes nimbées étant vues de trois quarts. Les saints Nountios et Eugenios sont barbus et semblent plus âgés qu'Orentios, qui est rasé de près. Chaque saint tient une petite croix dans sa main droite, signe de son martyre. Le trio est représenté en splendide tenue de cour, portant un long manteau décoré d'un panneau brodé sur une tunique à manches longues avec des poignets perlés. Leurs vêtements sont richement détaillés avec des plis croisés, et une fibule en forme de rosette attache chaque manteau sur leur épaule droite.
Un grand soin a été apporté à la modélisation très fine des traits du visage, des mèches de cheveux et de la barbe, donnant à chacun des quatre saints un caractère et une personnalité distincts.
L'attrait esthétique et la qualité d'exécution de premier ordre suggèrent que le panneau du ROM a été sculpté dans un atelier qui travaillait essentiellement pour la cour impériale de Constantinople. En raison de leur raffinement et de leur élégance, les ivoires byzantins de la Renaissance macédonienne étaient très recherchés, même en dehors de l'Empire byzantin. Leur influence s'est étendue, inspirant la sculpture à petite et grande échelle en Europe occidentale et dans les pays orthodoxes.
Paul Denis
Paul Denis est conservateur adjoint des collections grecques, étrusques, romaines et byzantines au ROM.