L’origine de la tête des annélides : une histoire pas piquée des vers

Musée royal de l'Ontario Michael Lee-Chin Crystal. Entrée de la rue Bloor.

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Communiqué de presse

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Une nouvelle espèce de polychète, vieille de 508 millions d’années, découverte dans les schistes de Burgess, en Colombie-Britannique, trace son chemin dans l’évolution.

TORONTO, le 22 janvier 2018— Des chercheurs du Musée royal de l’Ontario et de l’Université de Toronto ont rédigé la description du spécimen extrêmement bien conservé d’une nouvelle espèce de polychète nommée Kootenayscolex barbarensis. Découverte sur le site fossilifère du canyon Marble, dans les schistes de Burgess, en Colombie-Britannique, cette nouvelle espèce datant d’il y a 508 millions d’années nous en apprend davantage sur l’origine de la tête chez les annélides, groupe d’animaux très diversifié au sein duquel figurent les sangsues et les vers de terre que l’on connaît aujourd’hui. Les travaux des chercheurs sont présentés dans l’article A New Burgess Shale Polychaete and the Origin of the Annelid Head Revisited, publié ce jour même dans le périodique Current Biology.

A scientific reconstruction of Kootenayscolex barbarensis.
«  Les annélides se caractérisent par une formidable diversité, tant dans leur anatomie que dans leur mode de vie, a déclaré Karma Nanglu, doctorant à l’Université de Toronto, chercheur au Musée royal de l’Ontario et auteur principal de l’article. Aussi importante qu’elle soit écologiquement, cette diversité ne fait pas que rendre l’étude du groupe très intéressante sur le plan de l’évolution, elle complique la reconstitution de l’aspect qu’avaient peut-être les ancêtres des annélides. »

Les annélides peuplent presque tous les milieux marins, des cheminées hydrothermales aux récifs coralliens dans l’océan. En font aussi partie les espèces plus évoluées qui vivent dans la terre de nos jours. Si les annélides abondent dans l’environnement contemporain, leurs origines et leur évolution restent troubles, particulièrement l’origine de la tête, car on possède relativement peu de fossiles primitifs, faute de spécimens au corps bien fossilisé.

Selon le co-auteur de l’article, Jean-Bernard Caron, Ph. D., conservateur principal en paléontologie des invertébrés au Musée royal de l’Ontario et professeur agrégé aux départements d’écologie et de biologie évolutive, et des sciences de la Terre à l’Université de Toronto, également directeur de thèse de M. Nanglu, « certains vestiges d’annélides comme des fragments de mâchoire et des tubes sont bien connus dans les archives fossiles, mais la préservation des tissus mous demeure extrêmement rare. Pour trouver des fossiles extrêmement bien conservés, il faut chercher des gisements d’une richesse hors du commun, tel celui des schistes de Burgess, en Colombie-Britannique, remontant à 508 millions d’années. Même en de tels lieux, les annélides restent peu fréquents, si bien qu’on connaît encore mal bon nombre d’espèces déjà décrites. »

Une des principales caractéristiques de Kootenayscolex barbarensis, le nouveau ver découvert dans les schistes de Burgess, est l’existence de soies de la taille de cheveux sur la tête, ce qui a incité MM. Nanglu et Caron à formuler une nouvelle hypothèse sur l’apparition de la tête des annélides. « À l’instar des autres polychètes, Kootenayscolex présente des touffes de longues soies, réparties en paires le long du corps. Il s’agit en fait d’une particularité de ce groupe. » Et d’ajouter M. Naglu : « Cependant, contrairement à ce qu’on voit chez les spécimens actuels, ces soies couvraient aussi la tête en partie, plus précisément la zone entourant la bouche. Cette nouvelle espèce laisse croire que la tête des annélides dérive des segments postérieurs du corps, qui possèdent des paires de touffes de soies. La biologie du développement de nombreuses espèces modernes d’annélides semble d’ailleurs le confirmer. »

On voit surgir la plupart des groupes d’animaux au Cambrien (il y a 541 à 485 millions d’années). Cependant, la morphologie de maintes espèces fossiles ressemble très peu à celle de leurs descendants actuels. « Jumeler un fossile récemment découvert comme Kootenayscolex à une connaissance approfondie du développement est un moyen très puissant pour élucider ces morphologies étranges et, au bout du compte, établir d’où vient la biodiversité actuelle du règne animal », explique M. Caron.

La description de Kootenayscolex est le fruit des nombreuses découvertes réalisées au site du canyon Marble (parc national Kootenay), dans les schistes de Burgess, qui nous font repenser l’évolution d’une multitude de groupes d’animaux. M. Caron menait l’équipe du ROM qui a mis au jour le nouveau site fossilifère en 2012, à 40 km au sud-est du site original des schistes de Burgess (parc national Yoho), dans les Rocheuses canadiennes. Le nouveau polychète n’est pas seulement l’annélide le plus fréquent parmi les fossiles recensés (plus de 500 spécimens), c’est aussi le mieux préservé. « Dans certains cas, on peut voir les vestiges des tissus internes, peut-être même du système nerveux, une première pour les fossiles d’annélides, étant donné la fragilité de ces structures. Une préservation aussi exceptionnelle nous permet d’écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de ces vers antédiluviens », affirme M. Caron.

Il y a 508 millions d’années, le canyon Marble pullulait d’annélides », rappelle M. Nanglu. « Les menus détails anatomiques observables chez Kootenayscolex nous permettent de déduire la place de l’espèce dans l’arbre phylogénétique et son mode de vie. Ainsi, les sédiments retrouvés dans l’intestin fossilisé donnent à penser que ces vers jouaient un rôle important dans la chaîne alimentaire. Ils recyclaient la matière organique sédimentée avant de nourrir eux-mêmes leurs prédateurs, ainsi que le font aujourd’hui les espèces apparentées dans les écosystèmes contemporains. »

Le nom de l’espèce, barbarensis, rend hommage à Barbara Polk Milstein, une bénévole du Musée royal de l’Ontario qui milite depuis longtemps en faveur des recherches dans les schistes de Burgess. Danielle Dufault, l’illustratrice scientifique du ROM, a reconstitué Kootenayscolex barbarensis tel qu’il apparaissait de son vivant.

Ces recherches ont bénéficié de l’aide financière du Musée royal de l’Ontario, de l’Université de Toronto et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (subvention no 341944). Les spécimens de Kootenayscolex étudiés au Musée royal de l’Ontario ont été recueillis grâce à des permis délivrés par Parcs Canada à Jean-Bernard Caron de 2012 à 2016. Les sites fossilifères des schistes de Burgess se trouvent dans les parcs nationaux Yoho et Kootenay, dont Parcs Canada assure la protection tout en coopérant avec des chercheurs de renom afin d’enrichir nos connaissances sur cette période cruciale de l’histoire de la Terre. L’UNESCO a inscrit les schistes de Burgess au patrimoine mondial en 1980, en raison de leur valeur inestimable pour l’humanité. Ils font désormais partie des Parcs des montagnes Rocheuses canadiennes inscrits au patrimoine mondial.

 

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RENSEIGNEMENTS
David McKay
Coordonnateur des communications
Musée royal de l’Ontario
davidm@rom.on.ca

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