Le salon : La photographie dans le public et le privé
Maya Wilson-Sanchez
Pendant près de neuf mois, j’ai eu la grande chance d’écrire, de faire de la recherche et de créer au sein d’une équipe d’étudiants de premier, deuxième et troisième cycles à l’UEADO (OCAD University) en collaboration avec des professeurs, des commissaires et des employés du ROM. Cette période de grande activité m’a beaucoup appris sur la nature du travail d’équipe et l’interdisciplinarité, ainsi que sur l’organisation d’une exposition majeure dans une grande institution culturelle. Je me fais la porte-parole de tous les étudiants en disant que nous sommes fiers du travail que nous avons accompli et que nous nous réjouissons de le partager.
Le projet trouve son origine dans les idées et les propositions d’Ania Medrek et d’April Xie qui s’inspiraient de leur interprétation du livre de Gillian Rose intitulé Doing Family Photography: The Domestic, The Public and The Politics of Sentiment (2010). L’ouvrage, que nous avons discuté en classe, fait valoir que les photos de famille ne sont pas de simples images, mais plutôt des objets, qui existent dans le temps et dans l’espace, indissociables de leur contexte et des rituels dans lesquels ils s'inscrivent. Nos discussions ont aussi porté sur la notion de représentation et le travail qu’entraînent l’organisation des photos et leur regroupement dans des albums ou des cadres. Rose souligne également l’importance qui doit être accordée au contexte dans lequel les photos de famille existent et sont présentées. En réfléchissant à la place qu’occupe la photo de famille au sein des réseaux du sujet, de l’objet, de la pratique et du lieu, nous avons articulé notre installation autour de la perception et de la présentation des photos de famille. Nous nous sommes interrogés sur le fait même de retirer ces photos de leur contexte familial et de les présenter dans un musée, et ce que cela signifiait. D’où l’idée de recréer l’atmosphère intime et chaleureuse d’un salon. Le prototype du « Salon », présenté au ROM en décembre dernier, a permis d’explorer cette idée. Grâce à l’interactivité et à la technologie de la fresque lumineuse, ou projection illusionniste, nous avons créé un espace accueillant à l'intérieur de l’exposition Les photos de famille. Le personnel et les commissaires du ROM ont choisi notre projet, ainsi que d’autres aspects des prototypes présentés, et demandé aux étudiants d’y travailler au cours des quatre mois suivants.
La sélection de ce prototype signifiait que toute la classe participerait à la création d’un salon où les visiteurs pourraient apprécier une série de photos de famille réalisées selon divers formats et techniques. Le Salon présente l’histoire de trois participants à travers leurs photos de famille dans le cadre d’une installation immersive enrichie d’artéfacts. À titre de co-commissaire de l’installation, j’ai collaboré à l’élaboration d’une démarche avec mes collègues, nos professeurs et le personnel du ROM.
Notre démarche s’est précisée à l’occasion de nos échanges avec les participants et de la collecte de leurs photos et histoires. Nous nous sommes rendu compte que le partage des photos de famille est un acte de courage et de générosité. Dans un sens, nous avions l’impression d’être invités dans leurs salons. Nous avons pu constater que leurs photos de famille sont au croisement du public et du privé. Nous avons vu comment la photographie pouvait exprimer des moments de célébration et de résilience liés à des récits de migration, d’affirmation et d’opposition. Ainsi, la narration est devenue un exercice d’autonomie et nous a permis de comprendre les rapports qui existent entre les souvenirs personnels et la mémoire collective.
Le Salon s’inscrit dans l’exposition Les photos de famille, qui a pris l’affiche le 6 mai 2017. L’installation souligne le rôle des récits et des photos dans la création de nouvelles histoires qui façonnent notre société.
Étudiants et étudiantes : Samaa Ahmed, Margarita Castro, Bijun Chen, Mudit Ganguly, Thom Jeffrey Garcia, Sara Gazzaz, Afaq Ahmed Karadia, Annette Mangaard, Ania Medrek, Katie Micak, Natasha Mody, Manik Perera Gunatilleke, Maya Wilson-Sanchez et April Xie.
Corps professoral : Martha Ladly (directrice de cours), Immony Men (directeur, création et technique), Julie Crooks (professeure, commissariat), Jennifer Orpana (professeure, commissariat)
Maya Wilson-Sanchez est une jeune auteure, chercheuse et commissaire d’exposition. Elle a travaillé à l’Onsite Gallery, Xpace Cultural Centre, l’Art Gallery of Peterborough et Gallery TPW. Maya travaille et étudie à l’UEADO.