L’art de Won Lee
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Won Lee, ou Won-Hyung Lee en coréen, est né en Corée en 1946 et il est mort à Toronto en 2021. L’influence de ce célèbre artiste sur l’étude de l’art public est à la mesure de ses imposantes sculptures installées partout dans le monde. Atteint de poliomyélite à l’âge de six ans, Lee vivra avec une colonne vertébrale courbée pendant la majeure partie de sa vie. Les sculptures qu’il réalise en bronze et en argile sont autant de réflexions sur le corps humain. S'inspirant des œuvres d’Alberto Giacometti et combinant des éléments abstraits et figuratifs, les sculptures de Lee se caractérisent par des figures humaines allongées dotées de petites têtes, de torses et de fesses proéminents, et d’abdomens creux. La plupart de ses sculptures regroupent plusieurs figures, soulignant le thème de l'unité.
La démarche artistique de Lee est unique. Il étudie l’anglais à l’Université Hankuk des études étrangères en Corée du Sud, avant de s’installer aux États-Unis. Il obtient un baccalauréat en art de l’Université Pepperdine, en Californie. Ayant du mal à gagner sa vie en tant qu’artiste, il obtient un baccalauréat en commerce à l’Université de la Colombie-Britannique et travaille comme comptable. En 2002, à l'âge de 56 ans, il décide de poursuivre sa véritable passion et s’inscrit au programme de maîtrise en beaux-arts du Johnson State College. Sa carrière de sculpteur prend son envol et il s’impose à l’international.
Lee est connu pour ses sculptures monumentales installées dans les parcs et devant des immeubles commerciaux et des édifices gouvernementaux aux États-Unis, en Corée du Sud, au Vietnam, au Mexique et en République démocratique du Congo. Son travail a également fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives dans des galeries au Canada, en Chine, en Corée du Sud, au Mexique et ailleurs dans le monde. En l’honneur de son défunt mari, madame Hyon Chu Lee, a versé 100 000 dollars pour actualiser la Galerie de la Corée du ROM et offert trois sculptures de Won Lee à la collection du Musée. Les trois sculptures se veulent des commentaires astucieux de Lee sur le monde matériel, l’exploitation mondiale des ressources humaines et naturelles, et la condition humaine.
Les cochons qui montent et descendent les marchent évoquent le caractère fastidieux de la routine et la futilité du désir humain. Cette sculpture ludique est porteuse de messages nuancés. Les cochons tentent-ils d’échapper à quelque chose ? Ou courent-ils vers quelque chose ?
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L’une des œuvres, Qui est là ? (2011), représente trois figures debout, seins nus, mais portant des jeans et des chaussures. Lee l’a réalisée après la visite d’une usine Levi's au Costa Rica. En discutant avec de jeunes ouvriers, Lee apprend qu’ils reçoivent qu’un dollar de l’heure alors qu’il leur faut plus de trois mois pour pouvoir se payer une paire de ces mêmes jeans Levi’s qu’ils fabriquent. Stupéfait par cette conversation, Lee réalise cette œuvre, qui représente une femme, un homme et un personne transgenre [1]. Il a également créé des jeans rouges en papier mâché et a réalisé une performance au cours de laquelle il a brûlé les jeans dans sa maison d’hiver au Mexique, entouré d’amis. La sculpture et la performance mettent en lumière la disparité de la richesse dans le monde, l’exploitation du travail des enfants dans l’industrie mondiale de la mode et notre complicité quotidienne en tant que consommatrices et consommateurs.
Un groupe de cochons montant et descendant deux rangées de marches dans Équipe #1 (2011) évoque les thèmes de la courbe d’apprentissage de la vie, du caractère fastidieux de la routine et de la futilité du désir humain. Cette sculpture ludique est porteuse de messages nuancés. Les cochons tentent-ils d’échapper à quelque chose ? Ou courent-ils vers quelque chose ? L'art de Won Lee invite les spectateurs à appliquer cette analogie à leurs expériences et à leurs interactions.
La troisième sculpture offerte par madame Lee a été inspirée par une rencontre fortuite de l’artiste avec de jeunes élèves en Chine. Au cours d’une visite dans une école pour la réalisation d’un projet, les élèves faisaient beaucoup de bruit. Lorsque Lee leur demande de méditer, deux jeunes filles prennent immédiatement des postures évoquant celles du Bouddha. Lee les croque sur le vif et crée ensuite Méditations #2 (2006). Par la suite, il a moulé une série de deux grandes figures (chacune mesurant plus de 250 cm) méditant ensemble dans différentes postures. Une œuvre de la série est installée à la Vermont State University, aux États-Unis.
Pour Lee, la méditation collection est un concept clé. Ses sculptures réunissent systématiquement deux ou plusieurs figures, jamais une seule. Les figures sculptées par Lee ne sont pas solitaires. Au contraire, elles sont en communion les unes avec les autres – témoignage de l’intérêt que porte Lee à l’engagement humain et aux rapports humains.
L’artiste a créé les prix Won Lee destinés aux talents émergents et aux artistes dans le besoin. Madame Lee perpétue le legs de son mari par des actions philanthropiques qui soutiennent les artistes handicapés et les artistes émergents partout dans le monde.
Vicki
Vicki Kwon est conservatrice adjointe des arts et des cultures de la Corée au ROM.