Le Photographe naturaliste de l’année 2020
2020
Date
À propos
Le concours de photos naturalistes le plus ancien et le plus prestigieux du monde revient au ROM pour la huitième année consécutive.
Si vous adorez la nature, voulez devenir photographe, ou aimez simplement admirer des moments parfaitement saisis, vous apprécierez le talent et le savoir-faire technique permettant de capter des scènes rarissimes et surprenantes qui illustrent la diversité du vivant sur la planète.
Audiodescription
Le Photographe naturaliste de l’année 2020
1er arrêt – Bienvenue
Bienvenue à l’exposition Le Photographe naturaliste de l’année 2020. Je suis Burton Lim, conservateur adjoint de mammalogie au Musée royal de l’Ontario, et j’ai le plaisir, cette année encore, de vous présenter, à titre de commissaire du ROM, cette populaire exposition montée par le Natural History Museum de Londres. Les magnifiques photos que vous découvrirez vous présentent des moments uniques qui témoignent de la diversité de la nature.
L’année 2020 marque la 56e édition du concours le plus ancien et le plus prestigieux de photographie naturaliste au monde. C’est un honneur pour le ROM d’accueillir ces clichés spectaculaires présentés dans de magnifiques caissons rétroéclairés pour la 8e année consécutive.
Cette année, des photographes de 86 pays ont soumis près de 50 000 clichés. Un jury international composé de six personnalités a choisi les 100 meilleures photos réunies dans l’exposition, dont celles qui ont reçu une mention d’honneur ou un prix dans les 17 catégories, ainsi que les deux grands gagnants. Toutes aussi exceptionnelles les unes que les autres, ces photos racontent des histoires fascinantes sur la beauté de la nature, ainsi que les défis planétaires que nous devons relever, y compris les changements climatiques.
Les 17 catégories sont classées par sections thématiques. Ainsi, la section « photojournalisme » comprend trois catégories s’articulant autour des thèmes de la restauration durable de la nature et des conséquences de l’exploitation des animaux. Mes sections préférées sont celles consacrées aux jeunes photographes, soit les 10 ans et moins, les 11 à 14 ans et les 15 à 17 ans, ainsi qu’à la relève, soit les 18 à 26 ans. Le concours a encouragé le talent de deux générations de photographes et servi de tremplin à des carrières en photoreportage écologiste.
Cette audiodescription de l’exposition porte sur 12 photos qui livrent des messages percutants et qui ne sont pas avares de détails. Je commencerai par décrire quelques photos, puis je passerai la parole à Tina Weltz, photographe du ROM, et à Mark Peck, responsable de la Galerie Schad de la biodiversité du Musée.
Il est à noter que les arrêts sont identifiés par un code QR placé à côté de la photo. Nous donnons une description de la photo, y compris des détails qui pourraient passer inaperçus, des aspects biologiques intéressants, ainsi que des précisions techniques sur sa réalisation.
Nous espérons que cette visite guidée vous plaira et que les photos vous permettront de jeter un regard neuf sur la nature. Les clichés témoignent du rôle essentiel que joue la communication visuelle dans le débat public sur les enjeux écologiques.
Un petit rappel avant de commencer la visite. Nous vous remercions de respecter les règles de distanciation sociale, de vous tenir à deux mètres de distance des autres visiteurs dans l’exposition. »
2e arrêt – Portraits d’animaux
Cette photo intitulée Chasseur nocturne a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Portraits d’animaux ». Elle a été prise à Örebro, dans la province de Närke, en Suède, par Jonas Classen.
Cette photo nous enchante par sa simplicité et ses formes. À gauche, le tronc d’un bouleau s’élance vers le ciel. Le coin supérieur droit est occupé par une pleine lune, blanche et un peu floue mais reconnaissable. Une chouette lapone est perchée sur une branche, à droite. L’oiseau est penché en avant. Sa tête est parfaitement ronde et ses yeux jaunes regardent droit devant elle. Sa patte droite est ramenée sous son menton, toutes serres sorties. La scène baigne dans la lumière d’un bleu profond de la fin du jour.
La chouette lapone est une espèce endémique des forêts boréales du nord de l’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. Les chouettes vivent dans le nord de l’Ontario, mais environ tous les 10 ans, elles migrent en grand nombre vers le sud de l’Ontario. Un phénomène qui se produit lorsque les ressources alimentaires se font rares ou que les conditions hivernales sont trop rigoureuses.
Dans certains cas, les autos font partie intégrale de l’attirail du photographe naturaliste. Les animaux sauvages qui vivent près des routes s’habituent aux voitures et ne les perçoivent pas comme une menace. Elles peuvent donc servir de cache aux photographes, qui n’ont qu’à sortir leur appareil par la fenêtre pour photographier l’animal sans le déranger.
De plus, Jonas a utilisé les phares de son auto comme source de lumière principale. Il a pris la photo à 3200 ISO, une sensibilité très élevée qui permet d’augmenter la luminosité. Le résultat ? Un portrait de la chouette d’une netteté étonnante, malgré le contrejour.
3e arrêt - Les jeunes photographes (les 15 à 17 ans)
Cette photo intitulée Prise parfaite a reçu une mention d’honneur dans la catégorie des 15 à 17 ans. Elle a été réalisée par la Canadienne Hannah Vijayan près de la rivière Brooks dans le parc national et la réserve de Katmai, en Alaska.
Au centre de la composition, un ours brun tenant un saumon argenté dans sa gueule fixe le spectateur. Il est dans une rivière peu profonde, se découpant nettement devant un rideau de hautes herbes vertes. Plutôt que de pêcher les poissons qui remontent les chutes, cette femelle n’a eu qu’à plonger la tête dans l’eau pour attraper son repas.
L’ourse et sa prise se reflètent dans les eaux très calmes. Les hautes herbes et leur reflet inscrivent le sujet dans un cadre pittoresque. L’ours brun d’Alaska est l’un des plus gros de son espèce. Le mâle peut peser 450 kilos et la femelle environ un tiers de moins. L’ours brun est omnivore, c’est-à-dire qu’il mange de tout, dont des graminées, des baies et des petits animaux. L’été, il se gave de saumons qui remontent le courant pendant la fraie. Son festin quotidien se compose d’une trentaine de poissons, ce qui lui permet de faire des réserves de graisse en vue de son hibernation, de la fin de l’automne au début du printemps.
Hannah s’est éloignée des chutes où les touristes sont nombreux à prendre des photos d’ours bruns attrapant des saumons rouges. Elle a trouvé un coin plus retiré sur la rivière et y a réalisé cette scène sereine. Une vitesse d’obturation de 1/2000e de seconde et un réglage haute sensibilité de 2200 ISO lui ont permis de prendre la photo sans trépied. Un téléobjectif de 300 mm l’a aidée à réaliser cette prise parfaite, sans flou.
4e arrêt - Les jeunes photographes (les 15 à 17 ans)
Cette photo intitulée Orignal des neiges a reçu une mention d’honneur dans la catégorie des 15 à 17 ans. Elle a été prise par le Canadien Matthew Henry dans le parc national du Mont-Riding au Manitoba.
Le côté gauche de la photo présente un gros plan de la tête d’un orignal regardant vers la droite. Malgré la neige qui tourbillonne, quelques flocons se détachent nettement sur le front de l’animal. Dans le coin supérieur gauche, on distingue l’œil foncé de l’orignal, tandis que son museau protubérant est orienté vers le bas de l’image. Le pelage brun foncé de son corps, mouillé et tacheté de neige, est visible en arrière-plan.
L’original est le plus grand des cervidés. Il peut peser 700 kilos et sa hauteur à l’épaule est d’environ 2 mètres. Comme chez la plupart des cerfs, seuls les mâles ont un panache, des bois. Ils poussent au printemps, atteignent leur pleine envergure à l’automne pendant la saison des amours, puis tombent en hiver.
L’orignal est un ruminant herbivore. Les plantes aquatiques et les feuilles représentent l’essentiel de son régime alimentaire en été. L’hiver, il se nourrit principalement d’écorce et de brindilles, et surtout de saule.
Cet orignal s’est présenté comme un sujet idéal lorsqu’il s’est avancé vers l’auto dans laquelle se trouvait Matthew. L’animal s’est arrêté pour boire dans une flaque d’eau, levant la tête de temps à autre pour surveiller les alentours. Matthew en a profité pour essayer différents réglages et trouver des angles intéressants. Il a utilisé un zoom de 70 à 200 mm pour réaliser ce plan très rapproché.
5e arrêt – Le comportement des mammifères
Bonjour, je m’appelle Tina Weltz et je suis la photographe du ROM.
Cette photo intitulée Les petits s’amusent a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Comportement des mammifères ». Elle a été prise par l’Israélien Yossi Eshbol dans les montagnes du Néguev, en Israël.
La scène baigne dans la douce lumière du matin. On voit un ravin entre deux falaises au premier plan et une vallée à perte de vue en arrière-plan. Cette photo représente deux jeunes bouquetins, une espèce de chèvre sauvage. L’un des cabris se dresse au bord de la falaise à droite, face au ravin. L’autre, notre sujet, est suspendu dans l’air, saisi dans un instant décisif, entre la réussite ou l’échec.
Le bouquetin de Nubie vit dans les régions désertiques de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Le mâle adulte porte de longues cornes qui se replient derrière la tête et peuvent mesurer plus d’un mètre de long. Il vit en solitaire la plus grande partie de l’année, mais se joint à de petits troupeaux de femelles et de juvéniles durant la saison de reproduction.
Yossi avait trouvé l’endroit idéal. La lumière étant encore faible, il a réglé la vitesse de l’appareil afin qu’elle soit un peu plus élevée qu’à l’habitude, augmentant ainsi la luminosité de la photo. Ce qui lui a permis d’utiliser une vitesse d’obturation plus rapide pour figer le saut du cabri sans sacrifier la netteté de l’image.
Cette vue est semblable à celle du regard humain à pareille distance. Pour Yossi, la plus grande difficulté consistait à saisir « l’instant décisif », lorsque le spectateur, fébrile, se demande : Le bouquetin va-t-il réussir ?
6e arrêt - Le comportement des invertébrés
Cette photo intitulée Parasite sur chauve-souris a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Le comportement des invertébrés ». Elle été prise par Piotr Naskercki, un Américain d’ascendance polonaise, à Bunga Inselbergs dans le parc national de Gorongosa en Mozambique.
C’est un des rares portraits en gros plan dans l’exposition : une minuscule chauve-souris avec un gros insecte orange à six pattes ressemblant à une araignée qui s’accroche au niveau de ses yeux. Il s’agit d’un ectoparasite, c’est-à-dire un organisme qui vit sur la peau de son hôte et s’en nourrit.
La tête de la chauve-souris, pas plus grosse que la moitié de la largeur d‘un doigt, est recouverte d’une fourrure gris brun. Son front et ses yeux sont complètement cachés par l’ectoparasite, son passager clandestin ! La gueule de la chauve-souris est entrouverte, laissant voir sa langue, les sillons de son palais et ses dents blanches très pointues.
L’ectoparasite se nourrit du sang de son hôte. De nombreuses chauves-souris servent d’hôtes à des nyctéribies hématophages et celle-ci ressemble à une araignée. Son corps est principalement blanc avec des stries orange. Elle agrippe son hôte de ses six longues pattes orangées. Son corps est recouvert de poils raides foncés. Cette espèce appartient à une famille de diptères qui possède plusieurs caractéristiques : absence d’ailes, yeux minuscules, tête sur son dos et pattes qui se replient vers l’arrière.
La majorité des ectoparasites de chauves-souris vivent sur un hôte particulier et le quittent rarement. C’est ce qu’on appelle la spécificité parasitaire. Ici, l’hôte est une chauve-souris à longs doigts de la Mozambique, décrite comme une nouvelle espèce en 2013.
Piotr est un entomologiste qui se spécialise dans les tettigonies, ou sauterelles. Et il a réagi en tant que photographe en percevant un ectoparasite sur une chauve-souris lors d’un recensement de la biodiversité au Mozambique. Il s’est empressé de saisir son appareil avec un objectif macro de 100 millimètres pour photographier ce tout petit suceur de sang. Il a utilisé une petite ouverture de f16 afin d’obtenir une image détaillée et nette.
7e arrêt - Le comportement des amphibiens et des reptiles
Cette photo intitulée Un père protecteur a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Le comportement des amphibiens et des reptiles ». Elle a été prise par l’Espagnol Jaime Calubras à El Jardín de los Suenos, à Cotopaxi, en Équateur.
Cette photo est un hommage à la transparence. La tête d’une grenouille de verre mâle de la rivière Atrato est placée légèrement au-dessus du milieu de la composition. Ses yeux tachetés d’or et de brun fixent l’objectif. Vert pâle et jaune, le dessus de la tête de la grenouille se fond dans l’arrièreplan vert et flou. Neuf œufs transparents se trouvent sous l’abdomen translucide du batracien. Chaque œuf abrite un têtard semi-transparent dont le corps tacheté fait écho aux yeux de l’adulte.
Plus de 120 espèces de grenouilles de verre sont présentes dans les forêts de basse altitude de l’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Ces petites grenouilles mesurent moins de 7 cm de long. La plupart ont le dos vert-jaune. De nombreuses espèces ont le poitrail blanc et presque translucide, laissant voir le cœur et d’autres organes.
La grenouille de verre de la rivière Atrato peut pondre 25 œufs sur les feuilles poussant au-dessus d’un plan d’eau. Le mâle s’y agrippe ensuite pour protéger la couvée des prédateurs et de la déshydratation. À la naissance, les têtards se laissent tomber dans l’eau.
Photographier de petits amphibiens n’est pas chose facile. Cela nécessite du matériel spécial et il faut procéder en plusieurs étapes.
Première étape : Un bon objectif macro permet de se rapprocher du sujet tout en conservant la netteté de l’image.
Deuxième étape : L’utilisation de deux flashs permet d’éclairer les deux côtés du sujet. Un diffuseur permet de répandre la lumière provenant des flashs et de l’atténuer, sans perdre de netteté.
Troisième étape : Photographier à hauteur d’œil afin d’établir un rapport plus étroit avec le sujet et de lui donner une personnalité plus forte.
Le produit final ? Magnifique !
8e arrêt - Les animaux dans leur milieu
Cette photo intitulée La montagne des loups a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Les animaux dans leur milieu ». Elle a été prise par l’Italien Lorenzo Shoubridge dans le parc régional des Alpes apuanes en Toscane, en Italie.
Cette photo a pour arrière-plan une montagne sous un ciel étoilé. En bas à gauche, deux loups gris avancent sur un sentier rocailleux : la tête baissée, la gueule ouverte et la queue dressée. Ils sont bien éclairés, émergeant de l’obscurité, en milieu alpin. Le paysage rocheux est désolé, à l’exception de quelques touffes d’herbes et de végétation basse qu’on voit de part et d’autre du sentier.
Certains scientifiques considèrent le loup gris comme appartenant à une population distincte en raison de sa morphologie et de sa génétique. Dans les années 1970, on comptait moins de 100 loups, ce qui a incité les autorités à en faire une espèce protégée. Aujourd’hui, il en existe environ 700 et ils ont gagné les pays voisins, la France et la Suisse. On les chasse maintenant pour les empêcher de tuer le bétail, mais les loups jouent un rôle important dans l’équilibre de l’écosystème. Ils s’attaquent aux herbivores comme les chevreuils, contribuant au maintien d’une végétation abondante.
Pour réaliser ce cliché de nuit, Lorenzo a installé un piège photographique déclenché par un détecteur de mouvement infrarouge au bord de la piste fréquentée par ces prédateurs. Il a consacré plusieurs heures au réglage de son appareil, le fixant à un arbre afin de photographier non seulement la piste, mais aussi les montagnes et le ciel en arrière-plan. Il a réglé son grand angle à 25 mm pour s’approcher le plus près possible des loups sans rien perdre du paysage.
9e arrêt - Le milieu aquatique
Bonjour, je suis Mark Peck, le responsable de la Galerie Schad de la biodiversité au Musée royal de l’Ontario.
Cette photo intitulée Une nounou attachante a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Le milieu aquatique ». Elle a été prise à Anilao, Calabarzon, aux Philippines, par le photographe chinois Songda Cai.
À première vue, cette photo est déroutante. Au centre de la composition, une bulle pourpre tranche sur un arrière-plan noir. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que la bulle est occupée par un poisson argenté aux yeux jaune et ce qui semble être une fleur rose sur son flanc.
Avez-vous compris de quoi il s’agit ? En fait, il s’agit d’un petit poisson qui s’est glissé à l’intérieur d’une méduse ! Le poisson, appelé carangue, n’est pas prisonnier. Au contraire, il se sert de la méduse pour échapper à ses prédateurs.
Pas moins de 80 espèces de poissons cherchent protection auprès des méduses. En général, les méduses n’en tirent ni avantage, ni inconvénient. Par contre, si l’acidité de l’eau de mer augmente, comme semble l’indiquer le changement climatique, elle pourrait altérer les sens des poissons, qui perdraient un peu leur attirance pour leurs hôtes. Ils passeraient donc plus de temps exposés aux attaques des prédateurs.
Songda Cai est un « photographe des profondeurs » bien connu. Ce titre est réservé aux personnes qui plongent la nuit au large des côtes pour photographier les grandes profondeurs. Ces photographes sont attachés au bateau pour leur sécurité. Le fond se trouvant souvent à des milliers de mètres de profondeur, on peut facilement perdre le sens de l’orientation et avoir du mal à regagner la surface. Cœurs sensibles s’abstenir !
Pratiquée en eaux profondes ou non, de jour ou de nuit, la photographie sous-marine nécessite du matériel spécial. Les appareils photo sont les mêmes que ceux qu’on utilise hors de l’eau, mais ils doivent nécessairement se trouver dans un caisson étanche. Le flash sert régulièrement à éclairer le sujet et les grands angles assurent un éclairage suffisamment puissant pour atteindre le sujet.
10e arrêt – Le Photojournalisme - Reporter naturaliste
Cette photo intitulée Le prix du pétrole a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Reporter naturaliste – photo unique ». Elle a été prise dans le champ pétrolifère de Kern River, en Californie, par le Canadien Andrew Wright, professeur agrégé au Département des arts visuels de l’Université d’Ottawa.
Voici un autre cliché qui, à première vue, est difficile à décoder. Malgré les touches de couleur, l’image apparaît fade. Elle représente un paysage blême ponctué de touffes d’herbes jaunissantes et sèches, de pylônes électriques noirs et d'une multitude de chevalets de pompage, tels des robots. Leur tâche consiste à ramener du pétrole à la surface 24 heures par jour, 7 jours sur 7. La scène possède un caractère surnaturel et troublant.
Le chevalet de pompage sert à activer les pompes d’un champ pétrolifère et à ramener le pétrole à la surface, là où la pression souterraine est insuffisante. On en utilise couramment dans les régions riches en pétrole où l’extraction ne va pas de soi. Il ressemble à une bête étrange qui hoche lentement la tête.
Cette photo a été prise à 3 km de distance du champ pétrolifère, avec un zoom d’une distance focale de 400 mm et un trépied afin d’éviter les flous de bougé et d’obtenir une image nette. Le téléobjectif comprime la profondeur de champ, prêtant souvent un effet de relief à l’image. Ici, le choix de l’objectif permet au spectateur de voir l’ensemble de l’action, un peu comme un spectateur qui observe de haut les joueurs du stade.
11e arrêt – Le Photojournalisme - Reporter naturaliste
Cette photo intitulée Un monde de bitume a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « Reporter naturaliste – photo unique ». Elle a été prise par le Canadien Garth Lenz au-dessus d’un champ de sables bitumineux de l’Alberta.
Cette vue aérienne des sables bitumineux est baignée d’une lumière crépusculaire. Deux routes de chaque côté de l’image mènent vers un monde dévasté s’ouvrant sur une usine crachant de la fumée sous un ciel de plomb, dans le lointain. Le paysage montre des bassins, des étangs morts. Une terre où toute trace de vie a été effacée pour faire place au vide, immense et couvert d’huile. Installé dans l’ouest canadien, Garth Lenz a consacré une bonne partie de sa carrière à observer le contraste entre les paysages industriels et naturels.
Au Canada, la consommation des combustibles fossiles accélère non seulement les changements climatiques, mais détruit aussi, dans le cas des sables bitumineux, de larges pans de la forêt boréale. Cette forêt est un écosystème qui peut stocker deux fois plus de carbone par hectare qu’une forêt tropicale humide. Il est facile de blâmer l’industrie pétrolière pour cette destruction, mais nous utilisons volontiers, tous ou presque, des produits dérivés du pétrole qui représentent une part importante de l’économie canadienne. Pensez-y.
Cette photo des sables bitumineux au crépuscule souligne la grisaille et la destruction du paysage. L’angle et l’utilisation de la photographie aérienne permettent au spectateur de mesurer pleinement l’ampleur des dommages environnementaux causés par les sables bitumineux.
12e arrêt - La biodiversité
Cette photo intitulée Voilà la pluie qui arrive a reçu une mention d’honneur dans la catégorie « La biodiversité ». Elle a été prise dans la forêt nationale d’Uncompahgre, au Colorado, par l’Américain Zach Clothier.
La photo prise au ras du sol s’ouvre sur un paysage montagneux. Environ les deux tiers de la composition représentent d’immenses plaques de boue grisâtre fissurées et, au-delà, un lac. En arrière-plan, des forêts au feuillage jaune, ainsi qu’un sommet escarpé enveloppé de brouillard se découpent sur un ciel où se mêlent reflets rosés et nuages de pluie gris.
Les récentes sécheresses qu’a connues le sud-ouest des États-Unis sont liées aux changements climatiques. Ici, le lac s’est retiré progressivement durant les mois où il a très peu plu. Les plaques de boue constituent un obstacle presqu’infranchissable pour les animaux qui cherchent à s’abreuver. La photo laisse croire que la pluie leur apportera enfin un répit.
Ce cliché hors du commun a été réalisé à l’aide d’un grand angle 14-24 mm et de la technique dite d’empilement de mises au point. Cette technique permet de superposer plusieurs photos ayant différentes profondeurs de champ et de les amalgamer en une seule image grâce à un logiciel spécialisé. Bien que chaque photo ait des zones nettes et d’autres floues, le résultat final est d’une netteté impeccable.
13e arrêt - Prix du portfolio du reporter naturaliste
Ripan Biswas s’est vu remettre le Prix du portfolio du reporter naturaliste. Cette photo intitulée Dernière bouchée, une des six de son portfolio, a été prise dans la réserve de tigres de Buxa au Bengal-Occidental, en Inde.
Une cicindèle colorée à longues pattes domine cette macrophotographie, une technique qui permet de prendre des plans extrêmement rapprochés de sujets minuscules, comme des insectes, donnant une image plus grande que nature.
La cicindèle est une espèce de coléoptère au corps bleu-vert avec de grandes taches orange. Le dessous de son corps est hérissé de poils blancs. Elle a de gros yeux noirs proéminents, des mandibules redoutables et deux longues antennes. Ici, la tête de l’insecte apparaît de profil, tournée vers la droite. En y regardant de plus près, on aperçoit une petite fourmi tisserande brun jaune qui mord la patte arrière droite de la cicindèle. Ici, Ripan a privilégié une perspective au ras du sol de l’insecte marchant sur le lit sablonneux d’une rivière asséchée.
Ce combat entre deux insectes prédateurs évoque celui de David contre Goliath. Les colonies de fourmis tisserandes peuvent compter des centaines de milliers d’individus et les ouvrières, plus imposantes, se déploient pour fouiller la région à la recherche de petits invertébrés. Par contre, les cicindèles chassent en solitaire et celle-ci a déjà commencé à se délecter des petits prédateurs. La fourmi tisserande n’avait cependant pas dit son dernier mot ! Elle s’est agrippée à la patte de son gigantesque adversaire, mais la bataille était perdue d’avance. Faisant volte-face, la cicindèle a terrassé la fourmi.
Le photographe a utilisé un objectif macro de 90 mm pour réaliser ce plan rapproché des deux insectes prédateurs. Un flash annulaire permet à la cicindèle de ressortir sur le sable blanc. Ripan a choisi un champ de profondeur intermédiaire avec un réglage de f8 afin d’obtenir une image nette de la fourmi, de la patte attaquée et du corps de la cicindèle. Les cinq autres pattes du coléoptère (au premier plan et à l’arrière-plan) sont floues.
C’est ici que se termine notre parcours. Merci d’avoir visité l’exposition Le Photographe naturaliste de l’année. Nous espérons que l’exposition vous a plu et que vous apprécierez le reste de votre visite au Musée.
Points saillants
Le concours
Le Photographe naturaliste de l’année attire des dizaines de milliers de soumissions provenant de photographes de tous âges et de tous niveaux.
Les catégories reflètent l’incroyable diversité du monde naturel. Citons, par exemple, les portraits d’animaux, le milieu urbain, le comportement des oiseaux et le milieu aquatique, en plus d’une section documentaire frappante présentant les portfolios de deux photojournalistes.
Les finalistes et les gagnants sont choisis en fonction de la qualité artistique de leur composition et de l’originalité technique de leurs photos, qui se doivent aussi d’être fidèles au monde naturel. L’exposition fait ainsi ressortir toute la beauté et la fragilité de la vie sur Terre.
Prix et mentions d’honneur
Les prix décernés par Le Photographe naturaliste de l’année sont les plus prestigieux dans ce domaine de photographie. Le jury international choisit les finalistes et les gagnants à la suite d’un processus de sélection à deux tours. Les heureux élus sont annoncés lors d’une cérémonie qui se tient au Natural History Museum de Londres. Leurs photos sont réunies en une grande exposition, puis font le tour du monde.
Le Photographe naturaliste de l’année est un événement reconnu à l’international qui permet aux photographes de présenter leurs œuvres, tout en attirant l’attention sur la beauté et la valeur inestimable de notre planète.